30 mai 2023
OPINION : Face à la crise internationale, la France a perdu le fil de ses élections

OPINION : Face à la crise internationale, la France a perdu le fil de ses élections

Les élections législatives en France ne sont qu’à mi-parcours, mais le résultat, apparemment inévitable, est un embrouillamini qui laissera la France incapable de réagir rapidement à la crise internationale et économique croissante.

Un électeur français potentiel sur 12 a voté pour l’alliance centriste du président Emmanuel Macron lors du premier tour des élections législatives de dimanche dernier.

L’alliance Gauche-Verts, Nupes, demande comment Macron et sa Première ministre Elisabeth Borne peuvent prétendre avoir un mandat pour gouverner le pays, sans parler de le réformer.

C’est juste.

Mais combien d’électeurs potentiels ont voté pour Nupes, l’alliance qui veut abolir le méchant statu quo « ultra-libéral » au nom d’un peuple qui souffre ? Er, également un sur 12.

Et l’extrême droite, porte-parole autoproclamé de la « vraie France » ? Ils ont obtenu environ un vote potentiel sur 14.

Les Républicains de centre-droit, successeurs de De Gaulle, Chirac et Sarkozy ? Ils ont obtenu un peu plus d’un vote sur 20.

Le premier tour des élections législatives s’est soldé par une défaite. Pour tout le monde. Et surtout pour la démocratie française.

A l’heure où les crises internationales et économiques se multiplient, face au choix entre le « toujours plus » et le « tout changer », plus de la moitié des électeurs français ont opté pour le vote « bof ». Soit ils n’ont pas pris la peine de se rendre aux urnes, soit ils ont décidé qu’il n’y avait aucune différence entre un gouvernement dirigé par Macron et un gouvernement dirigé par Jean-Luc Mélenchon.

C’est un résultat terrible pour le président Macron – le pire pour un président récemment élu dans l’histoire de la Cinquième République. L’alliance centriste de Macron, Ensemble !, a obtenu environ 26 % des voix sur les 47,5 % de la France qui a voté, soit six points de moins qu’en 2017.

Jean-Luc Mélenchon a tout à fait raison. Ce n’est pas un mandat approprié pour réformer le système des retraites ou quoi que ce soit d’autre – que Macron obtienne ou non une majorité de sièges à l’Assemblée nationale au second tour ce dimanche.

Et pourtant, malgré tout le battage médiatique, c’est aussi un très mauvais résultat pour l’alliance Gauche-Verts de Mélenchon. Les quelque 26 % de voix obtenus par Nupes sont inférieurs de quatre points à ce que ses quatre mouvements alliés ont obtenu en se présentant séparément à l’élection présidentielle d’avril.

En 2017, considérée comme une très mauvaise année pour la gauche, elle avait obtenu 25 %, soit un point de moins. Cette année sera meilleure en termes de sièges gagnés parce qu’ils ont mis de côté leurs différences (ou les ont dissimulées temporairement) et se sont présentés comme une seule alliance.

C’est normal. Mais qu’est-il advenu de la « poussée » de la gauche ? Malgré le prétendu « vandalisme social » du premier mandat de Macron (qui s’est terminé avec un État français plus important que jamais et un taux de chômage le plus bas depuis 15 ans), il n’y a pas eu de poussée.

Les projections concernant le nombre de sièges après le second tour de dimanche sont fragiles, mais aucune ne suggère que Nupes obtiendra le plus grand bloc à l’Assemblée nationale, et encore moins une majorité de travail. Il n’y aura pas de Premier ministre Mélenchon.

L’alliance Nupes a, il est vrai, fait le tour des médias depuis le premier tour de dimanche. Le président Emmanuel Macron a été contraint de faire un discours national imprévu mardi depuis le tarmac de l’aéroport d’Orly avant de s’envoler pour la Roumanie et la Moldavie.

Il a exhorté les électeurs à ne pas ajouter « le désordre à la maison au désordre à l’étranger » en cette période de crise internationale. Il s’agissait, en fait, d’un appel aux partisans de Les Républicains (LR) pour sauver le gouvernement dimanche dans les 270 courses locales où il y aura un duel entre les candidats Macron et Mélenchon. Il est probable que de nombreux partisans LR voteront contre la gauche, mais peut-être pas en nombre suffisant pour donner une majorité à Macron (289 des 577 sièges).

Toute l’attention médiatique depuis dimanche s’est concentrée sur 68 autres « duels » de second tour – entre les candidats de l’alliance de gauche et les candidats Le Pen. La campagne de Macron va-t-elle former un Front républicain, comme elle l’avait demandé lors de l’élection présidentielle ? Exhorterait-elle ses partisans à voter pour ses ennemis de gauche afin d’écarter les candidats d’extrême droite de l’assemblée ?

Il est symptomatique d’une campagne Macron mal gérée qu’elle ait produit plusieurs réponses à cette question évidente avant de se fixer sur une ligne : pas de vote pour l’extrême droite mais les partisans de Macron pouvaient choisir de s’abstenir, ou de voter blanc, s’ils considéraient que leur candidat de gauche local était un « extrémiste ».

Je ne critique pas souvent les médias français, mais leur couverture de cette question a été malicieuse et trompeuse. Qu’en est-il des 106 courses où les candidats Macron affrontent les candidats Le Pen ? Comment l’alliance de la gauche veut-elle que ses partisans votent ?

Nupes a été autorisé à s’en tirer en ne disant presque rien sur ce point évident. Mélenchon a déclaré ce week-end qu’il n’y aurait pas de consigne (conseil) de Nupes sur les courses locales Macron-Le Pen mais qu’il attendait de ses partisans qu’ils « fassent ce qu’il faut ».

Lors de l’élection présidentielle d’avril, les sondeurs ont estimé qu’un partisan de Mélenchon sur trois s’était rallié à Le Pen au deuxième tour. Les médias français ont lamentablement échoué à mettre en évidence cette hypocrisie organisée de Nupes, tout en se concentrant sur l’hypocrisie plus légère du camp Macron.

Conclusion. La saison électorale a été longue et épuisante, (trop longue comme je l’ai écrit la semaine dernière), 12 mois de campagne et ensuite quatre jours d’élection en deux mois. Elle risque de se terminer dimanche dans la confusion – une majorité parlementaire faible ou inexistante pour le gouvernement.

Le danger n’est pas que Macron soit empêché de faire passer les réformes. Le danger est qu’un parlement divisé soit incapable de réagir rapidement aux crises économiques et internationales qui semblent devoir s’aggraver au cours des deux prochaines années.

Il n’y a pas eu de gagnants dimanche dernier. Il n’y aura pas de gagnants ce dimanche. La France pourrait être le grand perdant.

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