30 mai 2023
Du cassoulet au cidre : Où se situent les plus grandes rivalités locales en France ?

Du cassoulet au cidre : Où se situent les plus grandes rivalités locales en France ?

Du football aux pâtisseries du petit-déjeuner, la France recèle de féroces rivalités locales qui se manifestent principalement par des mots et la gastronomie, mais qui débordent parfois sur des batailles physiques. Voici un aperçu des endroits où les voisins français aiment se détester.

Si les Français entretiennent une relation d’amour-haine avec bon nombre de leurs proches voisins, c’est souvent contre leurs concitoyens que leur colère est la plus forte. Voici quelques-uns des conflits dans lesquels vous ne devez vous aventurer qu’avec prudence.

Le Mont-Saint-Michel est officiellement en Normandie. Photo : Sameer Al-DOUMY / AFP.

Toutes les rivalités de la France ne sont pas aussi violentes que les bagarres de football, mais ce serait une erreur de les prendre à la légère. C’est le cas de la Bretagne et de la Normandie, qui représentent à elles deux une partie importante de la côte nord de la France. Et c’est une portion de ce littoral qui a constitué l’un des principaux points de discorde entre elles. Plus précisément, le Mont-Saint-Michel, qui a parfois été un véritable champ de bataille entre les deux camps.

Le site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO se trouve officiellement en Normandie, mais les Bretons aiment aussi revendiquer l’île. Le conflit a atteint son paroxysme en 2018, lorsque le maire de la ville a essayé d’ériger un drapeau breton aux côtés de ceux de la Normandie et de la France, mais a été contraint de le retirer à la suite de plaintes.

Bien sûr, la France étant ce qu’elle est, la rivalité se joue aussi à table. Non seulement les deux populations ne s’entendent pas sur la production du meilleur cidre, mais elles ne sont même pas d’accord sur la façon de le boire. Alors qu’en Normandie, le cidre est généralement servi dans un verre, en Bretagne, il est présenté dans une bolée traditionnelle.

Lille et Lens à propos du football

Six personnes ont été blessées lors d’affrontements entre supporters lors du Derby du Nord opposant le Racing Club de Lens et le LOSC Lille ce week-end. Les supporters lensois ont dévoilé une pancarte insultante où l’on pouvait lire « Lillois merda » (Merde Lille), avant d’envahir le terrain pour affronter les fans lillois, dont certains avaient lancé des projectiles dans la direction opposée, selon La Voix du Nord.

Bien que situées dans des départements différents, Lens (Pas-de-Calais) et Lille (Nord) sont séparées par moins de 40 kilomètres, mais leur antagonisme féroce est souvent dépeint comme un choc des cultures – la ville ouvrière de Lens a été durement touchée par la fermeture des mines de la région, tandis que Lille est considérée comme une ville plus bourgeoise et cosmopolite – même s’il s’agit d’une généralisation.

Cette rivalité a été alimentée par les fortunes diverses des deux clubs de football au fil des ans, Lille ayant récemment pris l’ascendant sur ses rivaux après la domination de Lens dans les années 1990.

Lyon et Saint-Étienne sont aussi des clubs de football

Les supporters de Saint-Etienne brandissent des banderoles sur lesquelles on peut lire « Mort à Lyon ». Photo : PHILIPPE DESMAZES / AFP.

60 kilomètres séparent ces deux villes de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Leur rivalité est peut-être plus connue pour les tensions entre leurs clubs de football respectifs, mais, comme pour Lille et Lens, l’acrimonie a des racines culturelles plus profondes.

Après la révolution française, Saint-Étienne a commencé à se développer et à rivaliser avec son grand voisin. Cela a créé une certaine jalousie, « d’autant plus qu’il y avait un élément symbolique de la ville sale battant la ville riche », a déclaré le sociologue et écrivain Jean-Noël Blanc au Le Progrès.

Mais les inégalités perdurent, notamment dans l’industrie textile stéphanoise, où « beaucoup d’acheteurs venaient de Lyon, ce qui n’était pas très bien perçu », ajoute-t-il.

La rivalité footballistique est également très ancienne : selon Le Progrès, un match contre le Lyon Olympique Villeurbanne en 1936 s’est terminé par une bagarre, l’arbitre a dû être évacué et un dirigeant lyonnais s’est enfui avec tout l’argent du match pour que Saint-Etienne ne gagne rien.

Sud-ouest et partout ailleurs pour les pâtisseries

En parlant de nourriture et de boisson, les pâtisseries françaises ont longtemps alimenté le débat le plus féroce de tous : pain au chocolat ou chocolatine ?

On a souvent l’impression que la France est divisée en deux sur le nom à donner à cet en-cas du petit-déjeuner, mais en réalité, seuls les habitants du sud-ouest de la France préfèrent le terme chocolatine.

Pourtant, pour beaucoup, ce mot représente l’identité régionale, et les deux camps défendent farouchement leur camp. Une chose sur laquelle tout le monde est d’accord, c’est qu’elles sont délicieuses.

Toulouse, Carcassonne et Castelnaudary autour d’un cassoulet

Il s’agit d’une rare rivalité à trois entre ces villes du sud-ouest de la France. Bien sûr, il ne peut s’agir que d’une dispute sur la nourriture. La raison ? Elles prétendent toutes être à l’origine du meilleur cassoulet : un ragoût copieux à base de viande et de haricots.

Chaque région a sa propre recette traditionnelle : à Castelnaudary, on utilise de l’oie ou du canard pour la viande, à Toulouse c’est de la saucisse ou du mouton, et quand c’est la saison, les restaurants de Carcassonne ajoutent de la perdrix.

Nous ne savons pas comment les habitants ont l’énergie pour se disputer après avoir mangé un cassoulet délicieux et rassasiant, mais certains ont essayé de rassembler les gens. Le chef français Prosper Montagné a tenté un jour de réconcilier les trois villes en une sainte trinité de recettes de cassoulet : Castelnaudary le Père, Carcassonne le Fils et Toulouse le Saint-Esprit.

Une mention spéciale aux Bourguignons et aux Bordelais, et à tous ceux qui ont choisi leur camp, pour avoir soigneusement entretenu un ressentiment mutuel similaire sur la question de savoir qui fait le meilleur vin.

L’Alsace et la Lorraine au fil de l’histoire

On pourrait penser que l’Alsace-Lorraine est une entité unique, avec des souvenirs de votre professeur d’histoire vous racontant comment la région historique a été rendue à la France par l’Allemagne en 1918 dans le cadre du traité de Versailles, mais, comme des frères et sœurs qui ne s’entendent pas, ce sont souvent les personnes qui ont le plus en commun qui se détestent le plus.

L’animosité entre ces deux pays remonte à des centaines d’années, peut-être à 1525, a déclaré l’historien Bernard Vogler à France 3, lorsque le duc catholique de Lorraine a envoyé son armée écraser une révolte de paysans protestants, tuant 30 000 Alsaciens. Selon Vogler, la situation s’est inversée lors de l’annexion allemande de la région entre 1871 et 1918, lorsque les Allemands ont donné les meilleurs emplois aux protestants, laissant ceux de Moselle dans le nord de la Lorraine « se sentir comme des citoyens de seconde zone ».

Et nulle part ailleurs la réforme régionale de 2015 de François Hollande n’a été plus fermement opposée que dans cette partie du pays, l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne fusionnant pour devenir la nouvelle région Grand Est. En janvier 2021, les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont fusionné pour créer la Collectivité européenne d’Alsace, récupérant ainsi en quelque sorte leur région historique – bien qu’elle fasse toujours partie du Grand Est, ce mouvement montre l’importance durable de l’identité régionale dans l’est de la France.

Le malaise se manifeste également sur le terrain de football lors du « Derby de l’Est » opposant le FC Metz en Lorraine et le RC Strasbourg en Alsace.

Bretagne et Pays de la Loire sur Nantes

Dans l’ouest du pays, un département est au cœur d’un conflit entre deux régions. Faisant historiquement partie de la Bretagne, le département de la Loire-Atlantique a été séparé de la région pendant la Seconde Guerre mondiale par le gouvernement de Vichy, et rattaché à ce qui deviendra en 1955 la région Pays-de-la-Loire.

À Nantes et dans les régions avoisinantes, les voix pro-bretonnes se font de plus en plus entendre ces dernières années. En février, le conseil municipal de Nantes a voté en faveur de l’organisation d’un référendum pour permettre aux habitants de s’exprimer sur le rattachement à la Bretagne.

Alors que les référendums sur le départ d’une entité plus grande se sont avérés, euh, controversés ces dernières années, 66 % des habitants des Pays-de-la-Loire estiment qu’il serait légitime que les habitants de Loire-Atlantique décident de leur sort par référendum, selon un sondage réalisé au début de l’année.

Paris et Marseille sur tout (et le football)

Des supporters du PSG tiennent une banderole sur laquelle on peut lire « C’est la guerre ! » avant un match contre Marseille en 2018. Photo : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP.

Il s’agit peut-être de la rivalité la plus célèbre de France, les batailles liées au football n’étant que la partie émergée de l’iceberg.

Le Paris Saint-Germain et l’Olympique de Marseille se disputent régulièrement le derby du « Classique », bien qu’ils soient situés aux deux extrémités du pays. Les deux clubs les plus titrés de France ont également des supporters dans tout le pays (le président Emmanuel Macron est un fan de longue date de Marseille, bien qu’il soit né à Amiens, dans le nord de la France).

Mais la bataille culturelle est bien plus profonde – entre le nord et le sud, entre les deux plus grandes villes de France, entre la riche capitale et la ville portuaire ouvrière, entre les Parisiens chics et les Méditerranéens fougueux.

Ce conflit a également joué pendant la pandémie de Covid-19, Marseille devenant un symbole de révolte contre les mesures sanitaires décidées à Paris, et le microbiologiste local controversé Didier Raoult s’imposant comme un héros culte dans la ville méridionale.

Paris et, enfin, partout…

Le choc culturel entre Paris et Marseille pourrait être considéré comme une version extrême de la relation que la plupart des Français entretiennent avec la capitale.

« La méfiance à l’égard de Paris n’est pas l’exception, c’est la règle, mais les gens y prêtent plus d’attention lorsqu’elle se produit à Marseille, car elle correspond à leur vision du monde », déclarait l’an dernier à The Local Nicolas Maisetti, chercheur en sciences politiques à l’université Gustave Eiffel Paris-Est.

Dans d’autres régions du pays, les Parisiens sont souvent dépeints comme des snobs froids et inamicaux. Ce ressentiment a été exacerbé pendant la pandémie de Covid, car de nombreux habitants de la capitale se sont précipités dans leurs résidences secondaires du sud-ouest de la France.

Et si le reste de la France déteste Paris, il semble souvent que ce sentiment soit réciproque.

Lors de la finale de la Coupe de la Ligue 2008 entre le PSG et Lens, les supporters parisiens ont déployé une banderole sur laquelle on pouvait lire : « Pédophiles, chômeurs, consanguins : bienvenue chez les Ch’tis », en référence au film à succès Bienvenue chez les Ch’tis qui venait de sortir.

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