Le monde se réchauffe, et la France ne fait pas exception. Voici comment le pays prévoit de modifier le paysage de ses villes afin de faire face à des canicules toujours plus nombreuses.
Alors que la France entière souffre de l’augmentation des températures, les habitants des villes doivent se préparer à subir une dose supplémentaire de chaleur, en raison de « l’effet d’îlot de chaleur » qui rend les environnements urbains jusqu’à 8°C plus chauds que la campagne.
Météo France rapporte que le pays a subi au moins 43 vagues de chaleur ont été détectées depuis 1947, mais elles deviennent plus alarmantes.
« Les vagues de chaleur augmentent en intensité et en fréquence en raison du changement climatique », a déclaré Robert Vautard, météorologue et climatologue à Reporterre.
Elles deviennent également plus dangereuses – M. Vautard a expliqué que si la température moyenne de la terre a augmenté de 1,5 °C au cours des cent dernières années, les températures moyennes pendant les vagues de chaleur ont augmenté encore plus, devenant de plus en plus erratiques.
🌡️ 🇫🇷 En France, à l'échelle nationale, la dernière #vaguedechaleur recensée (au sens climatologique) a eu lieu en août 2020, du 06/08 au 13/08.
📈L'épisode que s'apprête à connaître le pays cette semaine devrait s'ajouter aux 43 autres épisodes déjà recensés, depuis 1947. https://t.co/8pDazeeqXD pic.twitter.com/BLzvlHYwSz
— Météo-France (@meteofrance) June 13, 2022
Faire face à des températures plus élevées devient une nécessité, mais c’est dans les grandes villes que les gens transpirent le plus – Bordeaux, Lyon, Paris, par exemple, il peut faire jusqu’à 8C de plus dans le centre ville que dans les banlieues en raison de l’effet de « puits de chaleur » urbain.
La semaine dernière, Olivia Grégoire, porte-parole du gouvernement français, a annoncé que le pays avait consacré 500 millions d’euros pour encourager les projets de végétalisation urbaine afin de transformer les « îlots de chaleur » en « îlots de fraîcheur ».
Le sud de la France
Dans le sud de la France, les villes ont toujours été conçues en tenant compte de la chaleur – des techniques séculaires comme les bâtiments peints en blanc, les volets aux fenêtres et les rues étroites et ombragées aident les habitants à rester au frais.
Des villes comme Nice ont même utilisé des systèmes de climatisation naturels et traditionnels – si vous vous promenez dans la vieille ville, vous remarquerez peut-être « des ouvertures équipées de grilles en fer juste au-dessus des portes » – elles permettent à l’air frais de la rue d’entrer à l’intérieur du bâtiment.
Les mas ruraux du sud de la France étaient également construits pour rester frais, toujours orientés vers le sud avec de très petites fenêtres pour empêcher la chaleur d’entrer.
Mais sur la Côte d’Azur, les températures augmentent plus vite que la moyenne mondiale. Pour le reste du monde, le réchauffement se produit à 0,2C par décennie, mais sur la Côte d’Azur, les températures augmentent d’environ 0,3C tous les dix ans.
Lors de la canicule de 2019, le village de Gallargues-le-Montueux, situé dans le département du Gard, a battu des records de chaleur en enregistrant 45,9°C. Le réchauffement des températures aura un impact tel sur la région qu’elle pourrait même justifier une nouvelle classification climatique dans les 50 prochaines années.
Tout cela signifie que les techniques de refroidissement traditionnelles pourraient ne pas suffire pour permettre aux habitants de faire face à la flambée des températures.
Pour Marseille, ville densément peuplée, la ville va essayer d’ajouter des espaces de respiration entre ses bâtiments étroitement alignés : l’objectif est que pour chaque bloc urbain, il y ait des espaces entre les rues et une modification de la hauteur entre ces espaces (comme un évidement de la base) afin de mieux permettre la ventilation naturelle et la circulation de l’air.
Pour les rues plus larges, la ville envisage d’ajouter des couvertures d’ombrage au-dessus des blocs pour les garder au frais, et comme la ville est sujette aux inondations, des zones herbeuses pour planter des arbres seront également utilisées pour la rétention d’eau, qui a également un effet de refroidissement.
Dans le nord
Dans les régions du nord du pays, les villes ont généralement été construites dans l’intention de garder la chaleur à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur, ce qui signifie qu’elles résistent mal aux vagues de chaleur.
Des fenêtres plus grandes – une caractéristique commune à des villes comme Paris -, de larges boulevards recouverts d’asphalte sombre et des toits en zinc sont tous bien adaptés aux mois les plus frais, mais font que les villes se transforment en fours pendant une canicule.
Plus une ville dispose d’espaces verts, plus la température baisse. C’est pourquoi des villes comme Lille et Paris, particulièrement densément peuplées et manquant d’espaces verts, s’engagent dans d’importants programmes de reverdissement.
En outre, toutes les villes françaises ont des défis en commun : les monuments historiques, ou les bâtiments inscrits au patrimoine national, pour lesquels il faut suivre une longue procédure pour effectuer tout changement ou toute modification susceptible d’avoir un impact sur le bâtiment ou le caractère de la zone.
Ensuite, il y a le défi des endroits que les gens ne veulent tout simplement pas voir modifiés – comme les alentours de la Tour Eiffel, par exemple.
Mais certaines villes ont des plans ambitieux pour contrer la hausse des températures.
Les Américains se demandent peut-être si cela implique davantage de climatisation dans les bâtiments français. Malheureusement, la réponse est non : la climatisation aggrave l’effet d’îlot de chaleur en rejetant l’air chaud dans les rues (et consomme évidemment de l’énergie pour faire fonctionner les systèmes, contribuant ainsi au changement climatique qui est à l’origine du problème).
Il s’agit plutôt de trouver des moyens de réaménager les espaces urbains pour atténuer la chaleur extrême qui est là pour rester :
Les plans de Paris
#canicule et chaleur nocturne : modélisation de l'effet de l’îlot de chaleur urbain parisien, basé sur la canicule de 2003. Les valeurs sur cette carte reflètent ce qui se passe cette nuit, avec des écarts importants entre Paris-ville et la grande couronne. pic.twitter.com/RPMuXyYtK6
— Régis Crépet 🌡 📉 (@RegisCrepet) August 8, 2020
Le plan d’action pour le climat de Paris, publié en 2018, définit comment la ville densément peuplée prévoit de faire face au changement climatique, notamment à son statut d’îlot de chaleur, entre 2020 et 2030.
Outre l’objectif de devenir neutre en carbone d’ici 2050, Paris espère se préparer à de « longues périodes de chaleur extrême », prévenant que « l’été caniculaire de 2003 pourrait bien devenir un été « normal » en 2050″.
Centrales solaires et protections solaires – Pour atteindre ses objectifs de neutralité carbone, la ville de Paris souhaite investir dans des centrales solaires urbaines, dont une sera installée dans le parc floral du Bois de Vincennes.
La ville souhaite que cette « centrale solaire » intègre également des structures d’ombrage solaire dans les lieux publics, afin de « combiner les avantages de la production d’énergie avec la protection contre les chaleurs extrêmes ».
Former des « facilitateurs énergétiques » et des « éco-managers » – ces personnes travailleraient avec les parties prenantes dans les différents quartiers pour superviser les projets de verdissement.
Le plan d’action indique qu’ils « veilleront sur les personnes vulnérables pendant les vagues de chaleur, faciliteront le prêt ou la location de biens et d’équipements tels que les vélos entre les habitants, géreront une mini-pôle logistique urbain, effectueront la pré-collecte de certains types de déchets ou transféreront les déchets encombrants vers des centres de tri et de valorisation des déchets ».
Des îlots et parcours de fraîcheur à Paris – La ville prévoit de conserver et d’entretenir sa carte interactive qui permet de savoir où se tenir et rester au frais pendant les périodes de fortes chaleurs.
En 2018, la ville avait déjà identifié environ 700 « îlots de fraîcheur », comme des musées, des bibliothèques, des lieux de baignade et des espaces verts. Mais, l’objectif est que d’ici 2030, la ville crée ou ouvre au moins 300 îles supplémentaires.
Oasis dans les cours d’école – L’élimination de l’asphalte dans les cours d’école et l’augmentation des espaces verts font également partie du plan.
Le plan de la ville visant à construire davantage d' »oasis » contribuera à créer plus d’îlots de fraîcheur. Comme les cours d’école occupent plus d’un demi-million de mètres carrés à Paris, cela représente une grande quantité d’espace qui peut être radicalement rafraîchi. En 2020, la ville a commencé avec seulement trois écoles, et continuera à s’étendre tout au long de la décennie.
Nous inaugurerons également en septembre 28 nouvelles cours d'école "oasis" pour rapprocher de la nature les petits parisiens et les petites parisiennes. pic.twitter.com/uPsXCKyt6C
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) June 13, 2019
De nouveaux toits pour Paris – Les toits de Paris font partie intégrante de l’histoire et de l’identité architecturale de la ville, mais ils sont aussi des conducteurs de chaleur. La ville de Paris a proposé que les toits trop pentus ou orientés dans la mauvaise direction soient « recouverts de végétation ou de peinture réfléchissante » afin de réduire l’effet d’îlot de chaleur urbain.
Plus d’arbres – Après avoir déjà ajouté près de 50 hectares d’arbres lors du dernier plan d’action pour le climat, Paris s’est fixé comme nouvel objectif d’augmenter son couvert végétal de 2 %, ce qui signifie ajouter plus de 20 000 arbres.
Verdir les tramways – Enfin, les tramways parisiens vont subir un lifting en ajoutant du gazon et en éliminant le béton qui absorbe la chaleur sous les rails.
Enfin, pendant les vagues de chaleur, la ville continuera à utiliser son plan d’urgence, destiné à informer et à protéger les personnes vulnérables (et la population en général) sur les endroits et les moyens de rester au frais.
L’équipe de la rédaction